Du chemin des étoiles à la mesure de la Terre - la géométrie.

 

 

Extrait de : " Les Jacques et le Mystère de Compostelle", de Louis Charpentier, Ed. R. Laffont, 1971

 

 

 

 

Le Chemin des étoiles

 

 

(..) De plus, traditionnellement, le chemin de Compostelle c'est la Voie lactée, du nom de cette traînée apparente d'étoiles qui traverse notre ciel jusqu'à la constellation du Grand Chien.

 

Quand on voulut « lancer » le pèlerinage, on imagina d'utiliser la très forte renommée qu'avait gardé Charlemagne dans les pays d'Occident. (..) On laissa supposer qu'il s'était rendu au tombeau du saint et avait trempé son épée dans les eaux atlantiques puis, tout au moins, qu'il en avait eu la révélation. Après sa mort et sur la châsse qui contenait ses restes, on représenta cette « révélation » et la direction de Compostelle lui était indiquée par deux traînées d'étoiles.

 

Or, les deux traînées d'étoiles existent et s'étendent de la Méditerranée à l'Atlantique.

 

Elles suivent exactement deux lignes parallèles dirigées d'est en ouest.

 

(Il va de soi que l'exactitude est relative à la distance — près de 1 000 km à vol d'oiseau séparent la côte catalane de la côte galicienne.)

 

La première ligne, la plus au sud, part, en Catalogne française, d'un « pic d'Estelle », pic de l’Étoile, éminence de 317 m proche des « Bains du Boubou », situé, selon approximation, à 42°30' de latitude.

 

Elle se poursuit, à quelque 23 ou 24 kilomètres à l'ouest, par le Puig de l'Estelle, « mont de l’Étoile », 1 738 in également situé à 42°30' de latitude, près de la Tour de Batère.

 

A 20 kilomètres à l'ouest se trouve le Puig de tres Estelles, 2096 m, le « Mont de Trois Étoiles » qui se trouve également situé sur le parallèle de 42°30'.

 

Or, près de quatre cents kilomètres plus à l'ouest, passé les Pyrénées, on retrouve, presque sur ce même parallèle, à 42°40' de latitude, Estella, « l’Étoile », dont le nom basque Lizarra désignait également l'étoile. La déviation par rapport au parallèle vrai est donc, d'après les cartes, de 10' sur près de 400 km, ce qui n'est pas très grand... Encore, dans la même région d'Estella se trouve un lieu-dit Licharra qui pourrait bien être une déformation du basque Lizarra et ce lieu se trouve à la latitude 42°36'.

 

Plus à l'ouest se trouve un Astray, qui peut ne pas désigner un Aster... Mais qui se trouve également à la latitude 421W.

 

Le reste du chemin est moins parlant sur cette ligne. Toutefois, si on la poursuit jusqu'à l'Atlantique, elle aboutit près de Pontevedra, à l'île de La Toja.

 

Ce n'est pas tout.

 

La châsse de Charlemagne porte deux rangées d'étoiles.

Voici la seconde :

 

Toujours en partant de la Catalogne, 20' plus au nord que la première rangée, soit environ 36 km, nous trouvons : Les Eteilles, près de Luzenac, 42°46'; Estillon, 42°47', puis, par-delà les Pyrénées, non loin de la route d'Oloron à Jaca, près du Somport, un lieudit : Lizarra, 42°46', et plus loin, près de Pampelune : Lizarraga, 42°46' (ce dernier lieu pouvant être soit une hêtraie soit un « amas d'étoiles »).

 

Et puis encore, passé les monts du Léon, un Liciella (42'4W) puis, en Galice, un Aster (également 42°46').

 

Et cela nous conduit tout droit à Compostelle qui, à la vérité, se trouve un peu plus au nord, à 42°53', mais par contre, le Pico Sacro, premier lieu légendaire du tombeau, se trouve bien près de 42°46'.

 

 

Six points en ligne droite, six points sur le même parallèle.

En accuser le hasard serait excessif. Il ne peut pas être responsable de tout...

 

Et pourtant cela est.

Et qui plus est, une mémoire populaire qui remonte à la nuit des temps l'avait transmis puisque ce chemin portait le nom de « chemin des étoiles »...

Et si Saint-Jacques-de-Compostelle se trouve à 42°53', c'est que la dernière étoile a été déplacée... et le parallèle 42°46' aboutit bien près de Padron où le bateau transportant la dépouille du saint serait venu s'échouer ; et plus près encore de Noya où, bien des siècles auparavant, vint s'échouer un autre voyageur.

 

Tout mathématicien vous dira que mettre quatre points en ligne droite est une opération volontaire, les chances du hasard étant infinitésimales.

Tout géographe vous dira également que choisir quatre points sur le même parallèle, ne serait-ce qu'à quelques minutes près et sur mille kilomètres de distance, ne saurait être le fait de gens dépourvus de cartes précises et d'instruments de mesure perfectionnés...

 

S'il s'était trouvé que quelque clerc, particulièrement savant (..) bâtissant avec d'autres le chemin de Compostelle au Xe siècle, ait été capable de marquer ainsi l'axe de Saint-Jacques, il est évident qu'il ne serait pas parti de la Catalogne pour franchir — longitudinalement — les Pyrénées, chemin impraticable.

 

L'axe date de bien avant le christianisme. Il s'agit, de toute évidence, d'un tracé bien antérieur dont demeurait un vague souvenir comme chemin des étoiles et au sujet duquel persistait une tradition.

 

Quelqu'un a su, et bien avant l'ère chrétienne, assez de topographie, de géographie, d'astronomie, et l'a su avec une technique suffisante, pour jalonner cet axe, ce parallèle du globe terrestre. Il faut donc admettre — ou nier toute logique — qu'il a existé des gens possédant une science bien supérieure à tout ce qu'ont pu imaginer, de nos lointains ancêtres, les préhistoriens.

 

Mais il faut admettre aussi que si le christianisme a cru nécessaire de « reprendre » cet axe c'est parce que la tradition en avait perduré depuis les temps pré, ou protohistoriques.

 

Et cela signifie bien que la tradition de la marche vers l'Ouest au long de ce chemin des étoiles n'était pas abandonnée... Et si elle n'était pas abandonnée, c'est parce qu'elle avait son utilité.

 

Laquelle ? Qui peut le dire, sinon la tradition elle-même ? La tradition qui s'est poursuivie bien au-delà de l'invention de saint Jacques... Et les légendes dont l'origine est infiniment plus lointaine.

 

Mais le plus étonnant — et le plus révélateur —est que cet axe de marche vers l'Ouest, jusqu'à la mer Atlantique n'est pas unique dans notre Occident. Tant s'en faut puisqu'il s'en révèle au moins trois qui sont encore aisément lisibles dans les situations des monuments mégalithiques et dans des restes toponymiques qu'il est impossible de dater de façon sérieuse.

 

 

Outre celui de Compostelle, il existe, en Angleterre, un tracé qui, des environs de Douvres, mène jusqu'aux confins de la côte atlantique, exactement dans une ria de la côte nord de Cornouailles.

 

En France, celui qui joint Sainte-Odile, en Alsace, à l'extrême pointe du Finistère.

 

Ces trois voies présentent bon nombre de points communs.

 

Toutes les trois vont de l'est à l'ouest jusqu'à l'Atlantique et toutes trois aboutissent, non à la mer ouverte, mais à des rias profondes qui permettent de hâler les navires au sec, et qui, de plus, sont des abris très sûrs.

 

Toutes les trois aboutissent à des contrées, sinon montagneuses, du moins au relief assez tourmenté.

 

Enfin, deux des trois suivent, d'est en ouest, un parallèle terrestre, assez rigoureusement tracé pour ne point être l'effet du hasard ; si le troisième échappe — de peu — au parallèle, il n'en est pas moins rigoureusement rectiligne, ce qui revient à dire que toutes trois ont été voulues ainsi ; donc à des fins utiles.

 

Toutes les trois traversent des contrées abondantes en mégalithes et dolmens el unissent des lieux « sacrés ».

 

Toutes les trois sont, de sorte ou d'autre, en liaison avec la légende du Graal, même chrétiennement rénovée.

 

Deux d'entre elles sont concernées par l'histoire de Noé (Bretagne et Galice) ; deux sont concernées par le labyrinthe (Galice et Cornouailles).

 

La voie britannique est située un peu au-dessus du parallèle 51°18'. Elle part, à ce que j'ai pu relever, de la côte est, près de Sandwich, mais je ne saurais affirmer que son origine n'était pas sur le continent ; s'il en était ainsi et si l'on en retrouvait trace, cela permettrait de la situer dans le temps avant l'effondrement de la Manche.

 

La voie passe par Canterbury (51'17'), lieu sacré, Maidstone (la pierre de la Vierge, mégalithe actuel ou disparu), Knolehouse (51°161 qui doit correspondre à une ancienne grotte sacrée, Godstone (51°51'), mégalithe « la pierre de Dieu », Red Hill, la colline rouge où un énorme chien, d'origine inconnue, est gravé dans la craie du sous-sol, Amesbury (51°11'), qui semble être la « Tombe d'Adam », cromlech. A quelque distance se trouve le plus grand cromlech connu, Avesbury (sans doute la «Tombe d'Eve »), Stonehenge (51°11'), où se trouve le « grand temple du Soleil », dont la partie centrale de pierres levées date des environs de 1800 av. J.-C. mais dont le cromlech qui l'entoure, le Cathoir Ghall, la « Salle de danse des Géants », est bien antérieur, Glastonbury (51°W), où Joseph d'Arimathie aurait déposé le Graal (il l'avait déjà fait en Catalogne), près de la colline d'Avalon qui, avant les apports alluvionnaires, fut l'île d'Avallon, l'île des pommes, fruit symbolique de l'initiation, l'île bienheureuse où se retiraient les âmes des héros; Glastonbury où se développe, sur seize miles de diamètre, marqué de pierres mégalithiques et de chemins antiques, un zodiaque encore reconnaissable; Glastonbury où se trouve un « Puits du Graal », Chance Weil, puits nettement dolménique, carré comme celui de Chartres, à grand appareil et dont la maçonnerie s'apparenterait à celle des monuments d'Egypte. Enfin, le chemin semble se terminer à la baie de Barnstaple (51°6'), pas très loin du  Tintagel légendaire où fut retrouvé, gravé dans la pierre, un labyrinthe semblable à celui d'une médaille de bronze minoenne... Mais antérieur à celle-ci, et semblable à ce même labyrinthe, également gravé aux temps néolithiques et trouvé en Galice, au bord de l'Atlantique, pas très loin de Saint-Jacques-de-Compostelle.

 

La « voie » française va de Sainte-Odile à l'extrême pointe de l'Armorique. Elle suit très fidèlement le parallèle 48°27'. Elle avait été signalée et étudiée en tant que voie de pèlerinage antique par Henri Dontenville dans son beau livre : La Mythologie française.

 

Sainte-Odile, au-dessus du village d'Obernay, en Alsace, se trouve dans une enceinte cyclopéenne très vaste et constituée d'énormes blocs, impossible à dater précisément mais qu'on a tout lieu de penser néolithique. Enceinte évidemment sacrée. La voie vers l'Ouest passe près de Champ du feu, atteint la Pierre piquée, sans doute menhir de jalonnement, Raon-l'Etape dont Dontenville a signalé qu'il s'agissait bien là d'une étape d'un pèlerinage qui a duré jusqu'aux abords de notre ère (près de Raon se trouve d'ailleurs une Pierre d'appel),

Sion, la colline sacrée près de laquelle les invasions germaniques ont créé Vaudémont, qui fut un Wotan mons, un mont de Wotan,

Domrémy et son Bois-Chenu où s'ébattaient les fées, avec, non loin, un Vaudeville, encore un lieu consacré à Wotan,

Joinville, qui fut encore un lieu sacré que les latins dédièrent à Jupiter, Forêt de Fontainebleau (Fontaine de Bélen),

Chartres, qui fut sans doute, et est encore, le plus haut lieu sacré des Gaules et que les très nombreux mégalithes de sa région désignent comme ayant été tel bien avant la venue des Celtes. Elle passe ensuite, cette voie, à toucher la forêt de Fougères avec ses nombreux monuments mégalithiques, retrouve, près de Bazouges, un menhir de jalonnement, passe, plus loin, à l'emplacement de cette curieuse église ronde dite Le Temple et qui peut bien être une construction templière... près d'énormes mégalithes brisés. Plus loin le parallèle passe par les rochers du Cragou, sans doute forme altérée de « Gargan », avant de pénétrer dans les monts d'Arrée (le nom a une certaine importance), atteint la ria de l'Elorn vers Landerneau et pénètre dans le pays de Léon.

 

A ces monts d'Arrée correspondent, dans la région de Galice où se termine le Chemin des Étoiles, les monts Aro, qui se trouvent légendairement liés, comme le mont Ararat du Caucase à l'atterrissage de Noé après le cataclysme du déluge.

 

Le chemin de Compostelle est près du 42' degré, celui d'Armorique proche du 48e, celui de Barnstaple de Cornouailles proche du 51e; une certaine logique, qui n'est d'ailleurs pas forcément valable, conduirait à rechercher si ces chemins vers l'océan ne seraient pas étagés de trois degrés en trois degrés. Il nous manquerait alors le 45' pour retrouver la progression rationnelle de 42 — 45 — 48 — 51.

Or le 45° passe par Le Puy-en-Velay qui a, depuis des temps immémoriaux, vocation de pèlerinage, au même titre que Glastonbury, Chartres et Saint-Jacques.

 

Un tel parallèle passerait à Lascaux, non loin des Eyzies, et aboutirait vers Lugon-Libourne et, dans les temps préhistoriques, avant que les alluvions n'eussent créé l'estuaire, dans la ria que devait constituer la Dordogne.

 

La supposition n'est pas invraisemblable.

 

Quant au chemin de Saint-Jacques que nous aurons à suivre plus en détail, s'il a varié quand les organisations hospitalières se sont ingéniées à tracer des routes plus faciles sur lesquelles furent établis des gîtes d'étape, l'implantation des premiers monastères comme celles des « gardiens » de la route tel l'Ordre du Temple ou celui de Saint-Jacques-de-l'Epée montrent que le premier chemin suivi — pour autant que faire se pouvait dans les montagnes —était bien le tracé délimité par les deux chemins d'étoiles, c'est-à-dire entre les latitudes 42°30' et 42°50'.

 

Or, s'il se fût agi seulement d'aller à ses dévotions au tombeau du saint, toute route eût été bonne —et il en fut d'autres, le long de la côte, utilisées par les dévots —, mais la route traditionnelle l'emporta, malgré ses difficultés, sur toutes les autres ; et je vois là comme une sorte de preuve que la légende chrétienne s'est bien façonnée sur une légende plus ancienne et sur une tradition qui exigeait l'emploi de cette voie.

 

Comme pour le pèlerinage d'Armorique, il y eut, bien avant le christianisme, des gens qui entreprenaient ce voyage, dans des conditions évidemment très éprouvantes, s'engageant dans cette voie comme dans un labyrinthe...

Et dans un but déterminé...Un but dont l'essence même devait être religieux puisque le christianisme a jugé valable de substituer la religion nouvelle à l'ancienne sur ce chemin.

 

Et sans doute en toute connaissance de cause.

 

 


 

Le Chemin avant le Chemin

 

"L'objectif de la plupart des pèlerins qui empruntent le chemin de Saint-Jacques - Camino de Santiago - est d'atteindre la ville de Saint-Jacques-de-Compostelle en Galice, au nord-ouest de l'Espagne. Certains pensent que le nom de Compostelle vient du latin "campus stellae", qui signifie « champ d'étoiles », d'autres pensent qu'il vient du mot "compositum" : lieu de sépulture. Le désaccord sur les origines du nom de la ville mis à part, il est prouvé qu'il existait une nécropole pré-chrétienne sur le site et que le Chemin suivi par le Camino existait bien avant la découverte de la sépulture de Saint-Jacques au IXe siècle.

 

Jusqu'alors, l'itinéraire était connu sous le nom de Via Finisterre (du latin finis terrae, le lieu de fin des terres), et les sites archéologiques découverts tout au long de celui-ci montrent que les peuples celtes l’empruntèrent déjà au moins mille ans avant notre ère, à la recherche du point où cessent les terres et où repose le Soleil. Comme d’autres peuples avant eux, ces peuples celtes pré-chrétiens accomplissaient de nombreuses cérémonies de célébrations : tout au long d’un sentier mégalithique suivant la Voie Lactée, ils parcouraient le nord de l’Ibérie (nom antique de l’Espagne) pour accomplir un rituel de renaissance spirituelle. Ainsi, l’antiquité de ce Cheminement se perd dans la nuit des temps.

 

Certains érudits pensent qu'un autre antécédent évident du Camino est l'ancien «Callis Ianus» ou «Via Janus», nommé d'après le dieu Janus ; cette divinité antique occupait le rang le plus élevé parmi les divinités étrusques et latines et représentait «l'Axe de la Terre», l'initiation au Mystères, la protection de la vie sur Terre. Janus était le Dieu des dieux : le dieu des débuts et des transitions, donc également des seuils, des portes, des passages, des fins et du temps ; le dieu du mouvement qui amorça l'action et le changement ; et le maître des quatre saisons et de la transformation. Il est généralement représenté avec deux visages, car il se tourne vers l'avenir et le passé, vers le soleil et vers la lune, et détient une clé qui ouvrait les portes du monde invisible.

 

Selon cette croyance, le Sentier suit la direction établie par le champ magnétique terrestre dans la péninsule ibérique, allant d'est en ouest, depuis le temple de Vénus Pyrinea (où les montagnes des Pyrénées tombent dans la mer Méditerranée) jusqu'à Ara Solis (Soleil invaincu) ou Finisterre (Fin des Terres). Le tétragramme ci-dessus, Arkho Jano Quirico, gravé dans la pierre, est le symbole le plus fréquemment retrouvé sur les sentiers de l’Europe - et il se retrouve sur plusieurs sites localisés sur le parcours du Camino. Nous devons tenir compte du fait que, au cours des temps, le pôle magnétique terrestre a changé et que Finisterre était jadis considéré comme le point le plus occidental du continent européen. Pour ceux qui connaissent les mystères du culte de Janus, le Camino possède des caractéristiques spécifiques (..) par la toponymie des lieux et par les anciens sanctuaires qui y protègent les pèlerins depuis des siècles."

 

 

http://www.iberianadventures.com/a-pagan-history-of-the-camino/