Depuis 2000 ans, la petite communauté chrétienne de Terre Sainte veille sur le trésor dont elle est dépositaire : le tombeau vide de Jésus.

Pour lui elle s’est battue, pour lui elle a consenti d’immenses sacrifices. Jusqu’aujourd’hui elle y prie et continue de monter la garde. Pour lui et pour vous. Pour que vous puissiez y entrer dans la diversité des rites, des expressions de foi, des langues et des cultures.

À vous pèlerins d’hier ou pèlerins de demain, voici ouvertes les portes de la basilique de la Résurrection.

 

Le Saint-Sépulcre, comme l’appellent les Occidentaux, ne se livre pas facilement. Son histoire l’a façonné et peut – à tort – sembler en avoir altéré le message. Pour retrouver le jardin de la résurrection, il faut savoir effeuiller le bâtiment, alors on goûtera à l’expérience de foi d’un matin de Pâques.

Vers 325, sainte Hélène, mère de Constantin, se rend à Jérusalem à la recherche de la vraie croix. Son fils a écrit au patriarche de la ville, Macaire, de détruire le temple d’Hadrien et de chercher le tombeau dont la tradition orale de Jérusalem perpétuait l’emplacement.

« Ces ordres n’eurent pas été sitôt exécutés, et on n’eut pas sitôt creusé jusqu’à l’ancienne hauteur de la terre, que l’on vit, contre toute sorte d’attente, le très-saint et très auguste Tombeau d’où le Sauveur était autrefois ressuscité » (Eusèbe de Césarée, Vie de Constantin).

Dès lors, l’empereur fit isoler le tombeau au cœur d’une rotonde et le fit recouvrir de marbre. Les travaux furent confiés à l’architecte syrien Zénobie qui laissa le calvaire dans un cloître à ciel ouvert, tandis que dans l’axe se déployait un martyrium sur un plan basilical à cinq nefs.

Le sanctuaire dont la dédicace est célébrée le 13 septembre 335 attire à lui des chrétiens de toutes langues.

 

Égérie, une pèlerine espagnole, relate vers 380 que l’on y priait en grec mais qu’une traduction simultanée était faite en syriaque et des explications données en latin.

Depuis le début du IVe siècle l’empire romain est chrétien. Avec le Concile de Chalcédoine (451) Jérusalem est devenue un patriarcat distinct d’Antioche. La cité sainte qui se couvre d’églises et de monastères prospère au point d’attiser jalousies et convoitises. Les coups de boutoir se succèdent.

En 614, les Perses pillent et incendient le martyrium du Saint-Sépulcre. Au cœur de la rotonde, ils percent la grotte funéraire de Jésus.

En 637, l’intervention de l’évêque Sophrone devant le calife abbasside Omar vaut la vie sauve aux chrétiens, mais le calife fait fermer la basilique.

Les Perses avaient permis vers 630 au patriarche Modeste de faire des travaux sur l’église. Mais un tremblement de terre en 746, trois incendies en 841, 938 et 966 nécessitent de nouvelles réparations.

C’est la communauté locale chrétienne qui répare à grands frais les dommages au point de tomber dans le dénuement. En 1009, le calife fatimide Hakim dit « le fou», en voulant détruire l’édifice chrétien dont l’architecture domine encore la ville, déclenche en Europe le vaste mouvement des croisades.

 

En 1045, l’empereur Constantin IX Monomaque est autorisé à faire des travaux de consolidation.

Depuis la première construction, tout s’articule autour de lui : le tombeau vide.

 

C’était à l’origine une chambre funéraire creusée à flanc de colline. Le tout fut enseveli sous le temple d’Hadrien de 135 à 324 date à laquelle l’empereur Constantin demanda qu’on le retrouve. Mais pour intégrer le tombeau à l’édifice qu’il s’apprêtait à construire, il fallut d’abord que l’architecte l’isolât de la montagne. Trônant désormais au centre de la rotonde, il fut couvert de marbre par Constantin. C’est le premier édicule, du latin aediculum « petite maison ». En 1700 ans, quatre édicules différents ont ceint la chambre sépulcrale de Jésus. En ce sens, l’édicule ne marque pas seulement le point GPS de la résurrection, mais il est l’écrin du vrai tombeau de Jésus, ou ce qu’il en reste après les tentatives de destructions successives.

Chaque soir les portes du Saint-Sépulcre sont fermées, tandis que des religieux se tiennent sur le seuil, à l’intérieur. En effet, quand en 1187 Saladin reprit Jérusalem aux croisés, il ne détruisit pas la basilique mais en fit condamner les portes sauf une dont il confia la clé à une famille musulmane. Dorénavant, si les chrétiens voulaient entrer dans l’église, ils devaient s’acquitter d’une taxe.

Aussi, à défaut de pouvoir entrer aussi souvent qu’ils le souhaitaient, certains religieux imaginèrent-ils de s’y laisser enfermer.

Depuis le début du XIVe habitent dans la basilique des grecs orthodoxes, des Latins [Nom donné en Orient aux catholiques de rite latin] et des arméniens. Ces trois Églises avec siège patriarcal à Jérusalem ont un rôle protocolaire majeur.

 

Au début du XVIe siècle, d’après les pèlerins il y a aussi des : jacobites (syriaques), géorgiens, coptes, abyssins (éthiopiens), nestoriens et maronites. Tous célébraient dans la basilique mais y logeaient également. Il fallut donc réserver des espaces au culte et d’autres à la vie profane.

Merci aux organisateurs de cette superbe exposition à l'église Saint Roch de Paris - et particulièrement à M. Jorge Luis Bilbao.

https://www.paroissesaintroch.fr

Et bien entendu à Marie-Armelle Beaulieu, à l'équipe du magazine Terre Sainte, et aux infographies du magazine National Geographic.

https://www.terresainte.net

https://www.nationalgeographic.fr

 

 

I

 

 

Le cheminement universel du pèlerinage

 

 

 

"La sainte vertu de l'Apôtre, qui fut transmise de la région de Jérusalem, rayonne en Galice par des miracles divins. Près de la basilique de l'Apôtre, Dieu accomplit continûment des miracles divins par son intermédiaire. Les malades viennent et sont guéris, les aveugles recouvrent la vue, les contrefaits sont redressés, les muets trouvent l'usage de la parole, les possédés du démon sont délivrés, les tristes sont réconfortés et, ce qui est plus important encore, les prières des croyants sont exaucées, les fardeaux et les liens du péché sont dénoués. Ô avec quelle sainteté et grâce le bienheureux Jacques resplendit dans les cieux, lui qui accomplit tant de miracles sur terre par la puissance de Dieu. De même que nul ne peut explorer ni mesurer l'altitude des cieux ni la profondeur des mers, de même la grandeur de ses miracles et de ses pouvoirs ne peut être comptée par personne. Là, en vérité, les chœurs des anges descendent humblement, reçoivent les demandes des hommes et les transmettent dans les régions célestes aux oreilles du roi suprême.

 

Là viennent des peuples barbares et civilisés de toutes les régions du globe, à savoir les Francs, les Normands, les Écossais, les Irlandais, les Gaulois, les Teutons, les Ibères, les Gascons, les Bavarois, les Navarrais impies, les Basques, les Provençaux, les Garasques, les Lorrains, les Goths, les Angles, les Bretons, les Cornouaillais, les Flamands, les Frisons, les Allobroges, les Italiens, les Pouilleux, les Poitevins, les Aquitains, les Grecs, les Arméniens, les Daces, les Norvégiens, les Russes, les Jorants, les Nubiens, les Parthes, les Romains, les Galates, les Éphésiens, les Mèdes, les Toscans, les Calabrais, les Saxons, les Siciliens, les Asiates, les Pontiques, les Bithyniens, les Indiens, les Crétois, les Jérusalemois, les Antiochiens, les Galiléens, les Sardes, les Chypriotes, les Hongrois, les Bulgares, les Esclavons, les Africains, les Perses, les Alexandrins, les Égyptiens, les Syriens, les Arabes, les Colossiens, les Maures, les Éthiopiens, les Philippiens, les Cappadociens, les Corinthiens, les Élamites, les Mésopotamiens, les Libanais, les Cyréniens, les Pamphyliens, les Ciliciens, les Juifs et d'autres peuples innombrables.

 

Toutes les langues, ethnies et nations tendent vers lui, en troupes désordonnées ou en bon ordre, adressant au Seigneur leurs demandes comme leurs actions de grâces, lui apportant les hommages de leurs louanges. Avec une immense joie, on admire la grande troupe des pèlerins qui passent la nuit à veiller autour de l'autel vénérable de saint Jacques : les Allemands veillent d'un côté, les Français d'un autre, les Italiens d'un troisième, ils ont des cierges dans les mains de telle sorte que toute l'église est illuminée comme par le soleil d'une claire journée. Chacun ne passe la veillée nocturne qu'avec ses compatriotes. Certains jouent de la cithare, de la lyre, du tympanon, de la flûte ou de la flûte à bec, de la trompette, de la harpe, du violon, de la vielle bretonne ou galloise, du psaltérion, d'autres veillent en chantant toutes sortes d'airs, certains pleurent sur leurs péchés, lisent des psaumes ou donnent des aumônes aux aveugles.

 

On y entend toutes sortes de langues, de dialectes barbares, des conversations et des chants d'Allemands, d'Anglais, de Grecs et des autres races et peuples de l'univers entier. Il n'y a ni mots ni langues dans lesquels leur voix ne résonne. La vigile de la fête de saint Jacques y est fêtée intensément : certains vont, certains viennent et offrent divers dons. Quiconque arrive triste repart joyeux. Les cérémonies sont suivies avec beaucoup de zèle, la fête est préparée, les rites célèbres sont accomplis nuit et jour ; louange, jubilation, joie et exultation sont chantées ensemble. Jour et nuit, c'est une fête ininterrompue en l'honneur du Seigneur et de son apôtre.

 

Les portes de cette basilique demeurent ouvertes nuit et jour, et l'obscurité n'y pénètre jamais, car elle est illuminée de la clarté des cierges et des torches comme à l'heure de midi.

 

Là se rendent pauvres, riches, brigands, cavaliers, piétons, princes, aveugles, paralytiques, aisés, nobles, seigneurs, notables, évêques, abbés, certains pieds nus, certains sans ressources, d'autres encore chargés de fer parce qu'ils sont en pénitence. Certains, comme les Grecs, portent une croix dans les mains, d'autres donnent leur bien aux pauvres, d'autres encore apportent du fer ou du plomb pour la construction de la cathédrale de l'apôtre, d'autres portent sur les épaules des chaînes ou des menottes dont ils ont été délivrés par l'apôtre qui les a arrachés à la prison des tyrans. Ils font ainsi une grande pénitence et se lamentent de leurs méfaits.

 

Telle est la race élue, la race sainte, le peuple de Dieu, tels sont les nations choisies, les fruits acquis par les apôtres, le fruit de la nouvelle grâce, le fruit de l'Église nourrice des pénitents, le fruit offert par l'apôtre à Dieu en son siège céleste.

 

Que ce fruit de l'apôtre demeure dans les célestes parvis de Dieu, le Seigneur l'atteste qui jadis n'a pas hésité à lui dire : Et votre fruit demeurera (Jo 15, 16). Et l'Apôtre dit : « Que le fruit acquis par vous demeure dans les cieux. »

 

On croit en effet que celui qui s'avance avec dignité et pour une pure oraison vers le vénérable autel de saint Jacques en Galice et fait sincèrement pénitence obtiendra de l'Apôtre l'absolution de ses péchés et le pardon de ceux-ci par le Seigneur, parce que ce don et cette puissance que lui a attribués le Seigneur avant sa passion, il ne les lui a pas enlevés après celle-ci. Le Seigneur lui a concédé en effet que tous les manquements seraient remis à qui il les aurait remis. Le Seigneur dit en effet à celui-ci comme à tous les autres : Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis (Jo 20, 23)."

 

 

 

 

 

 

II

 

 

Les premiers pèlerins : Adam, Abraham, Jacob jusqu'à Jésus Christ et aux apôtres

 

 

 

"Nous voulons montrer que le pèlerinage remonte aux pères anciens et comment il doit être pratiqué. Il commença avec Adam, fut continué par Abraham, Jacob et les fils d'Israël jusqu'au Christ, et fut développé par le Christ et ses apôtres jusqu'à aujourd'hui.

 

Adam est considéré comme le premier pèlerin parce qu'il transgressa la loi divine et fut envoyé dans l'exil de ce monde, pour être racheté par le sang et la grâce du Christ. De même le pèlerin qui quitte son domicile est envoyé pour ainsi dire à cause de ses fautes en pèlerinage et pour ainsi dire en exil par un prêtre. Il est sauvé par la grâce du Christ, s'il reconnaît sincèrement ses fautes et terminera sa vie réconcilié par la pénitence.

 

Le patriarche Abraham était un pèlerin parce qu'il quitta sa patrie pour aller dans un autre pays, comme le Seigneur lui avait dit : Va-t'en de ton pays, de ta famille et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation (Gn 12, 1). Et il en fut ainsi. Il quitta son pays et dans l'autre s'accrut la race sainte. De la même manière, si le pèlerin s'éloigne de son pays, c'est-à-dire de ses affaires terrestres, de ses mauvaises habitudes et de ses proches, c'est-à-dire de ce qui connaît ses péchés, et s'il persévère dans les bonnes œuvres, sans nul doute le Seigneur le fera croître parmi l'immense race angélique, la gloire des élus.

 

De même le patriarche Jacob est un pèlerin, parce qu'il a quitté sa patrie, se rendit en Égypte et y demeura. De même que Jacob est resté en Égypte, qui signifie tristesse et ténèbres, de même le pèlerin sorti de sa patrie doit demeurer dans la tristesse de l'esprit et de l’œil, et dans les ténèbres de la pénitence, demandant l'appui des saints pour obtenir le rachat de ses fautes. Les fils d'Israël furent eux aussi des pèlerins, lorsqu'ils passèrent d'Égypte à la Terre promise, éprouvés par diverses peines et de pénibles guerres. Et de même qu'après de nombreuses privations ils parvinrent dans la Terre promise, de même les pèlerins, pour pouvoir entrer dans la patrie céleste promise aux croyants, rejoignent-ils la communauté des saints après avoir subi les innombrables escroqueries des aubergistes, avoir gravi des montagnes et être descendu dans les vallées, avoir été attaqués par des bandits et avoir connu en cours de route bien des dangers et des peines.

 

Notre Seigneur Jésus-Christ, après sa résurrection d'entre les morts, a été, lors de son retour à Jérusalem, le premier pèlerin, de telle sorte que les disciples venant à sa rencontre lui dirent : Tu es le seul de passage à Jérusalem (Le 24, 18). De ces disciples, il est écrit ensuite qu'ils reconnurent le Seigneur à la fraction du pain. Le Seigneur n'est pas connu en chemin mais il est reconnu pendant le repas. Ainsi pendant que l'heureux pèlerin nourrit les pauvres, il est connu par le Seigneur. Quiconque nourrit les pauvres, le Seigneur le connaît, et il lui permet de le connaître, et il rend bienheureux comme dit le Psalmiste : Heureux celui qui prend souci du pauvre ! Au jour du malheur, le Seigneur le délivrera (Ps 40, 2). Il sera délivré le jour du malheur, parce que au moment du jugement il sera libéré des liens démoniaques et sera guéri.

 

Les apôtres eux aussi étaient des pèlerins, parce que le Seigneur les envoya sans argent et sans chaussures. C'est pourquoi il n'est pas permis aux pèlerins d'emporter de l'argent sous quelque forme, s'ils ne distribuent pas cet argent aux pauvres. Si ceux-ci sont envoyés sans argent, qu'arrivera-t-il à ceux qui partent aujourd'hui encore avec de l'or et de l'argent, mangent et boivent luxueusement et ne donnent rien aux pauvres ? Ce ne sont pas en vérité de vrais pèlerins mais des voleurs et des bandits de Dieu. Ils sont exclus de la troupe apostolique, car ils semblent prendre un autre chemin, parce qu'ils prennent de l'argent et ne partagent pas avec les pèlerins nécessiteux. Ils devraient entendre ce que le Seigneur lui-même dit au pèlerin au moment du départ : Ne vous procurez ni or, ni argent, ni petite monnaie pour vos ceintures, ni besace pour la route, ni bâton (Mt 10, 9-10). Le fait d'envoyer ainsi les apôtres montre que le pèlerin ne doit rien emporter qui lui appartienne, s'il n'a pas l'intention de le donner aux pauvres. Qu'il ne prenne pas d'argent, ou s'il en prend qu'il le distribue aux pauvres. S'il agit autrement, qu'il entende ce que le Seigneur dit lui-même à un quidam qui l'interroge : Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres et suis-moi (Mt 19, 21)."

 

 

 

 

 

Livre Premier, Chap. XVII,

Livre de Saint Jacques du Pape Calixte II,

in B. Gicquel, La Légende de Compostelle, Éditions Tallandier, 2003.

 


 

De la Gaule à la France

 

 

De retour à Paris avec ses troupes après la campagne en Galice, Charlemagne convoque une assemblée d’évêques et de princes à la basilique Saint-Denis pour rendre grâces à Dieu et à ce saint.

 

 

« Après avoir fait à cette église de nombreuses donations, il ordonna que tout propriétaire de quelque maison en France donne chaque année quatre deniers pour la construction de cette église.

 

Et il affranchit tous les serfs qui s'acquitteraient de ce don.

 

Ensuite, debout auprès des reliques de saint Denis, il demanda à celui-ci le salut pour tous ceux qui donneraient généreusement cette somme, ainsi que pour les chrétiens qui avaient quitté leurs biens pour l'amour de Dieu et avaient reçu la couronne du martyre en Espagne dans les guerres contre les Sarrasins.

 

La nuit suivante, le bienheureux Denis lui apparut dans son sommeil et l'éveilla, lui disant : « Pour ceux qui, animés par tes exhortations et l'exemple de ton courage, sont morts et mourront en Espagne, j'ai demandé à Dieu la rémission de tous leurs péchés, et pour ceux qui donnent et donneront les sommes destinées à la construction de mon église, je lui ai demandé la guérison de leurs graves blessures. »

 

Quand le roi eut rapporté ces paroles, les gens, confiants dans cette précieuse promesse, apportèrent leurs offrandes avec dévotion ; et quiconque donnait plus généreusement fut appelé partout «Franc de saint Denis », parce que, conformément à l'ordre du roi, il était libre de toute servitude.

 

De là vint l'habitude d'appeler désormais France le pays appelé jusqu'alors la Gaule, c'est-à-dire libre de toute servitude envers les autres pays.

 

Elle est donc dite libre, parce que toute gloire et toute domination lui sont dues sur tous les pays. »

 

 

Le Concile de Charles à Saint-Denis,

chapitre XXX de l’« Histoire de Charlemagne et de Roland"

par Turpin, archevêque de Reims »,

in B. Gicquel, La Légende de Compostelle, Éditions Tallandier, 2003.

 


 

Πνεῦμα & pneumatiques

 


 

 

 

 

Pèlerin : (1080) Du latin peregrinus, qui signifie « l'étranger, celui qui est d'un autre pays ».

Le féminin pèlerine est attesté dès 1210.

En 1050, le mot a le sens d'« étranger ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le statut du pérégrin, ou peregrinus, dans le droit romain : hôte à part entière et sujet du droit, son histoire juridique signe sa place particulière dans la société romaine, d'une époque à une autre.

 

Une complexité juridique respectueuse de l'autre, dont le XXIe siècle pourrait s'inspirer ?

 

 

 

 

 

Article "Peregrinus" de G. Humbert et CH. Lécrivain, tiré du Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio, (en 10 vol., 1877- 1919).

 

 

 

PEREGRINUS

 

 

A l'époque primitive le peregrinus se confond avec l'hostis ; c'est le citoyen appartenant à un État souverain, allié à Rome et protégé par une convention d'amitié ou d'hospitalité (hospitium). De bonne heure le mot hostis ayant été réservé pour l'hôte devenu ennemi (voir l’adjectif hostile en français moderne), seul le mot peregrinus a gardé le premier sens.

 

Il embrasse d'abord non seulement les étrangers de la catégorie indiquée, mais même les Latins et les alliés italiques ; il exclut l'étranger qui n'appartient à aucun État allié et pour lequel il n'y a pas de mot spécial.

 

Au point de vue commercial, les relations de cet étranger avec Rome ont toujours été soumises à des restrictions de plus en plus étroites ; sous l'Empire il ne pénètre sur le territoire romain qu'avec une autorisation, ne commerce qu'à certains endroits déterminés. Plus tard, quand Rome est devenue la capitale d'un empire, peregrinus signifie surtout les sujets provinciaux de Rome, non citoyens ni Latins, et indique une condition, un statut juridique.

 

La qualité de pérégrin se transmet par la naissance, selon les mêmes règles que le droit de cité : s'il y a conubium (droit au mariage), l'enfant suit la condition du père ; sinon, celle de la mère, avec cette restriction que l'enfant d'une Romaine et d'un pérégrin suit la condition du père. La qualité de pérégrin est en outre acquise : en bloc par l'incorporation du pays à l'empire romain, individuellement par la perte du droit de cité romaine qui résulte de l'exil ou de la déportation.

 

Le pérégrin n'a pas les trois noms romains ; la formation de son nom varie selon les pays ; en général, c'est un cognomen suivi de celui du père au génitif ; dans l'Afrique, le gentilice et le prénom sont purement factices ; le vrai nom individuel est le cognomen.

 

La situation générale du pérégrin est réglée par la lex provinciae, par les lois et sénatus-consultes qui l'ont complétée ; elle varie dans une certaine mesure selon qu'il appartient à une ville libre avec ou sans traité, ou à une ville stipendiaire ; mais abstraction faite de ces différences peu importantes, la situation du pérégrin est la suivante :

 

- pour le droit public, le pérégrin étant privé du droit de cité, il est exclu de tous les droits politiques. Il est astreint au service militaire, sous la République seulement quand il y a des levées extraordinaires, sous l'Empire régulièrement, soit dans les légions où il acquiert immédiatement le droit de cité, soit dans les corps auxiliaires.

 

- pour le droit privé, il n'a, sauf concession spéciale, ni le commercium ni le conubium ; il est exclu de la factio testamenti, active et passive, qui se rattache aux droits politiques ; au début de l'Empire on admet qu'il peut recevoir par fidéicommis d'un Romain, mais cette concession disparaît sous Hadrien ; les soldats citoyens peuvent instituer des pérégrins héritiers ou légataires. Le pérégrin ne peut sans doute pas avoir la propriété romaine ; il est vraisemblablement réduit à la propriété du droit des gens, avec les modes d'acquisition qu'elle comporte, l'occupation et la tradition ; il ne peut participer à une mancipation ni à une in jure cessio, ni acquérir la propriété par usucapion. Il garde ses droits de propriété, sous la réserve, dans les villes stipendiaires, du paiement de l'impôt foncier ; le sol provincial, sauf en cas de concession du jus italicum, n'est pas susceptible de propriété quiritaire.

 

A Rome, dès l'époque primitive, le pérégrin a participé dans une certaine mesure à la législation romaine, a pu ester en justice, d'abord vraisemblablement par l'intermédiaire de son hôte, puis de bonne heure seul : c'est indiqué par la vente trans Tiberim qui subsiste longtemps dans le droit romain, par le droit de commerce accordé par réciprocité aux Carthaginois sur le territoire romain dans le second traité avec Carthage, par la disposition des Douze Tables qui, d'après une des interprétations les plus probables, déclare imprescriptible l'action en garantie pour cause d'éviction quand un étranger est en cause, par le texte de Festus sur le status dies par la très ancienne procédure judiciaire de la recuperatio.

 

Les règles de fond appliquées à Rome aux pérégrins ont dépendu d'abord des dispositions du traité conclu avec leur ville ; puis on a dû chercher à établir une certaine uniformité entre les traités ; enfin la création vers 272 av. J.-C. du préteur pérégrin, nécessitée par l'affluence des étrangers à Rome, a facilité, sinon la création, au moins l'application aux pérégrins du droit spécial dit jus gentium. Ce droit forme d'abord un droit subsidiaire pour combler les lacunes des traités spéciaux et des droits indigènes, plus tard le droit commun de l'Empire, pour tous les procès soumis à des tribunaux romains entre des individus qui ne sont pas exclusivement citoyens, mais seulement pour les relations du commerce privé.

 

Le pérégrin est naturellement soumis aux lois pénales et aux règlements de police de Rome Pour la forme, la procédure paraît être très libre ; de bonne heure on a dû inventer des actions spéciales ; dès 171 des récupérateurs sénatoriaux jugent un procès de concussion intenté par des pérégrins contre des Romains ; en cette même matière et même dans d'autres procès les pérégrins, quoique exclus en principe de la legis actio, peuvent aussi employer la legis actio, sacramento, dès la loi Calpurnia de 147 av. J.-C. Le préteur pérégrin envoie le pérégrin devant un juge, un arbitre ou des récupérateurs ; le juge peut être pérégrin ; dans tous ces cas l'instance constitue non un judicium legitimum, mais un judicium imperio continens.

 

Dans les provinces, le maintien général des législations locales (suae leges), favorisé par le respect des Romains pour les anciennes nationalités, amène comme conséquence le maintien du droit indigène des étrangers pour les points essentiels, mariage, fiançailles, questions d'état et de liberté, puissance paternelle tutelle et capacité, droit de succession, testament. Le mariage n'est valable et ne produit tous ses effets que s'il est conforme à la loi du pays. Elle règle le régime des biens matrimoniaux, les droits de la femme.

 

Les Romains reconnaissent comme valables toutes les formes pérégrines d'affranchissement et le maître n'a sur son esclave que les droits conférés par la loi indigène. Les droits de patronat se perdent avec l'acquisition du droit de cité romaine ; il faut une concession spéciale pour les garder. La puissance paternelle se règle sur le droit personnel ; encore sous l'Empire les Phrygiens vendent leurs enfants et les Grecs pratiquent l'apokerykis ; le pérégrin devenu citoyen romain doit obtenir en outre la patria potestas pour garder ses droits sur ses enfants ; il n'y a qu'aux enfants trouvés, qui n'ont plus de famille, qu'on applique le droit romain. Le choix et les obligations du tuteur, les successions suivent aussi le droit local.

 

Les pays grecs et orientaux conservent en outre l'enregistrement des actes dans l'archeion ou chreophilakion, l'habitude de rédiger pour les contrats un écrit, des grammateia que le droit romain ne considère pas comme nécessaires, des pratiques qu'il condamne, par exemple les réductions volontaires en esclavage, les peines conventionnelles pour divorce, les clauses pénales dans les testaments ; dans la procédure l'emploi des dikai, du timima proposé par le demandeur.

 

Sous la République le droit romain ne modifie que fort peu le droit indigène et ne le remplace que dans les villes qui deviennent volontairement fundus ; l'extension de lois romaines aux provinces est très rare. Sous l'Empire elle devient plus fréquente; on applique ainsi aux provinces les lois Julia de cessione bonorum, Atilia de dandis tutoribus, la loi Aelia Sentia par un sénatus-consulte rendu sous Hadrien pour la partie relative aux esclaves affranchis en fraude des créanciers, la loi Julia de maritandis ordinibus, au moins pour une partie, la loi Julia de fundodotali d'après quelques jurisconsultes, la loi Apuleia de sponsu.

 

(Les sénatus-consultes de l'époque d'Hadrien qui règlent l'état des enfants nés de mariages mixtes et plusieurs rescrits impériaux, par exemple celui d'Antonin qui défend aux maîtres de punir sans raison leurs esclaves, la loi qui ordonne aux gouverneurs de nommer des curateurs aux adolescents, la dévolution au fisc, sauf les privilèges locaux, supprimés définitivement par Dioclétien, des biens des pérégrins morts intestats.)

 

Dès le troisième siècle ap. J.-C. prévaut probablement la théorie que les constitutions impériales l'emportent, le cas échéant, sur le droit indigène. Entre pérégrins le droit des obligations est aussi le droit indigène, sauf sur quelques points où l'autorité romaine combat des usages provinciaux, tels que les contrats avec stipulation d'amendes au profit du fisc, les pactes au sujet d'un héritage, les stipulations post mortem, les donations entre époux. Entre Romains et pérégrins ce sont les règles et les formes du jus gentium qui sont employées.

 

Le pérégrin participe valablement à tout contrat consensuel ou quasi-contrat ; il peut s'obliger par tout contrat re, même par prêt de consommation ou mutuum, bien qu'il soit stricti juris, par les contrats verbaux dans la forme fide promittis ou dabis, même suivant les Sabiniens opposés sur ce point aux Proculiens par contrat littéral nominibus transcripticiis, au moins s'il y a novation a re in personam à la différence du cas de transcriptio a persona in personam.

 

Des deux côtés il y a pénétration des droits en présence : ainsi à la rigueur un Romain peut employer en province l'usucapion mobilière par la possession d'un an, se servir comme créancier du droit local, s'il le trouve plus favorable ; inversement l'habitude grecque de rédiger les conventions par écrit pénètre dans la pratique romaine ; le pérégrin peut s'engager envers un Romain par les modes de son droit, chirographis et syngraphis. En outre le juge romain peut combler les lacunes du droit provincial par l'application subsidiaire de son propre droit ; ainsi pour la situation des enfants nés de femmes libres et d'esclaves, dans un certain cas, c'est la règle du jus gentium, c'est-à-dire du droit romain qu'il applique ; c'est à l'imitation de la loi romaine qu'il juge le cas des enfants trouvé, qu'il déclare irrévocable l'affranchissement sans forme, quand la loi du pays ne dit rien à ce sujet ; les procurateurs fiscaux étendent abusivement aux fonds provinciaux l'édit d'Auguste contre la vente des biens litigieux.

 

Gaius proclame un principe général important, à savoir que toutes les plaintes du droit civil peuvent être étendues par fiction, conformément à l'équité, à des pérégrins ; il cite l'action furti, l'action injuriae de la loi Aquilia ; et en effet dès l'époque de Cicéron nous voyons dans les mains des provinciaux l'action quod metus causa, l'in integrum restitutio ; ils pratiquent le jus vadimonii, offrent la caution judicatum solvi contre la menace d'une missio in bona. Les deux organes de cette pénétration du droit romain sont l'empereur avec ses rescrits et le gouverneur qui dans son tribunal, au conventus, peut appliquer aux étrangers presque toute la procédure romaine, toute la partie de son édit qui ne fait pas corps avec le jus civile. Cicéron paraît distinguer en ce sens deux parties de l'édit du gouverneur ; des morceaux de cet édit sont rédigés spécialement pour la province ; ainsi Cicéron fixe le taux de l'intérêt.

 

Pour la compétence et la procédure au criminel, les villes stipendiaires gardent, dans une mesure que nous ne connaissons pas bien, la juridiction criminelle sur les pérégrins ; mais les affaires importantes vont devant le gouverneur ; celui-ci renvoie quelquefois des pérégrins à l'empereur. Pour le civil, il faut distinguer les villes libres et les villes stipendiaires. En théorie, les tribunaux des villes libres ont leur complète indépendance et jugent même les Romains ; mais on constate des empiétements du gouverneur pour la justice administrative, à l'égard des corporations, des dettes des villes, de l'empereur pour le droit d'asile ; pour les litiges entre deux villes il y a souvent recours au Sénat romain, qui renvoie quelquefois la décision à une ville tierce ; quelquefois les arbitres envoyés par une ville grecque à une autre jugent d'après des règles fixées par le gouverneur.

 

D'autre part on voit s'introduire l'usage de l'appel devant le gouverneur ou l'empereur. Les villes stipendiaires gardent aussi leurs tribunaux qui jugent les petits procès jusqu'à une somme inconnue, mais seulement entre les indigènes ; les Romains, les Italiens et les étrangers, même demandeurs, n'y sont pas soumis ; les indigènes peuvent préférer la juridiction du gouverneur ; on trouve aussi en Sicile la pratique des arbitres compromissaires. Tous les autres procès, procès des villes entre elles ou avec les particuliers, procès des Romains entre eux ou avec des pérégrins, d'étrangers de villes différentes vont au conventus devant le gouverneur qui emploie le jury civil avec un seul juge ou avec des récupérateurs, à son choix, sauf s'il y a une clause spéciale d'un traité.

 

Entre deux étrangers le juge juré est pérégrin ; entre un Romain et un pérégrin, le juge unique ou les récupérateurs ne doivent sans doute pas être de la nationalité du défendeur. En Sicile les litiges entre une ville et un habitant d'une autre ville vont devant le sénat d'une troisième ville ; et la loi Rupilia avait établi, à l'imitation de la procédure attique, un intervalle de trente jours entre le dépôt d'une plainte et le jugement.

 

La loi de Caracalla donne le droit de cité romaine à presque tous les habitants de l'empire, ingénus et affranchis, sauf peut-être pour le moment aux habitants de régions qui n'ont pas encore l'organisation urbaine, dans la Corse, la Sardaigne, dans quelques districts des Alpes, sauf aussi aux déportés et aux catégories encore maintenues des Latins Juniens et des déditices. Les droits particuliers des villes libres disparaissent, sauf quelques débris. Le droit romain est maintenant le droit personnel de tous les habitants de l'empire ; mais Rome laisse encore subsister longtemps légalement beaucoup de coutumes locales, de débris de droits indigènes comme droit coutumier subsidiaire, et des privilèges particuliers surtout en matière administrative ; en outre, sur beaucoup de points le droit grec se maintient énergiquement en face du droit romain, jusqu'à la fin de l'Empire, comme le montre le livre de droit syrien du Ve siècle, surtout pour la puissance paternelle, la tutelle, le mariage, les dots, les héritages.

 

A l'époque de Justinien, après la suppression des Latins Juniens et des déditices, il n'y a plus de pérégrins que les habitants de quelques districts à la frontière, les Éthiopiens, les Lazes, les Tzanes, les Abasges, les individus étrangers à l'empire, mais qui y séjournent, et les colons ou soldats barbares, admis eux et leurs affranchis sur le territoire de l'empire comme colons, déditices, lites, gentiles, foederati.

 

On peut assimiler à des pérégrins les individus privés du droit de cité, mais non de la liberté par une condamnation à la déportation ou aux mines ; leur mariage civil est maintenu quand telle est l'intention des deux parties. Le sol provincial n'a plus qu'une différence nominale avec le sol italique soumis aussi au tribut, et Justinien les assimile complètement l'un à l'autre en abolissant en 531 les formes de la mancipatio et de la cessio in jure encore réservées théoriquement au sol italique.

 

 

 

Article « Peregrinus » de G. Humbert et CH. Lécrivain, tiré du Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio, (en 10 vol., 1877- 1919).

 

 

 

http://dagr.univ-tlse2.fr/consulter/2323/PEREGRINUS/texte

 

 

 

La Méditerranée romaine à l'époque du droit relatif au pérégrin/peregrinus,

"citoyen appartenant à un État souverain, allié à Rome

et protégé par une convention d'amitié ou d'hospitalité (hospitium)."

 

Abbaye de Maylis

Si ton œil est vraiment clair

« Si ton œil est vraiment clair, ton corps tout entier sera dans la lumière » (Mt 6,22)

 

 

L'homme s'élève au-dessus de la terre sur deux ailes : la simplicité et la pureté.

La simplicité doit être dans l'intention, et la pureté dans l'affection.

La simplicité cherche Dieu ; la pureté le trouve et le goûte.

Nulle bonne œuvre ne te sera difficile, si tu es libre au dedans de toute affection déréglée.

Si tu ne veux que ce que Dieu veut, et ce qui est utile au prochain, tu jouiras de la liberté

intérieure.

Si ton cœur était droit, alors toute créature te serait un miroir de vie et un livre rempli de

saintes instructions.

Il n'est point de créature si petite et si vile qui ne présente quelque image de la bonté de

Dieu.

Si tu avais en toi assez d'innocence et de pureté, tu verrais tout sans obstacle. Un cœur pur

pénètre le ciel et l'enfer.

Chacun juge des choses du dehors selon ce qu'il est au dedans de lui-même.

S'il est quelque joie dans le monde, le cœur pur la possède.

 

 

L'Imitation de Jésus Christ, traité spirituel du XVe siècle, Livre II, ch. 4 (trad. Lammenais)

 

Vectoriel

Marches ailées

Reformulations du mouvement immobile ultime


Arpenter et toucher le sol à chaque pas avec la pointe du bourdon,
Fendre cet espace pour retrouver sa musique,
Écouter,
Cette mélodie veut de nous,
Elle nous offre la liberté.

Eaux d'en haut